Daredevil [saison 3]
Daredevil est considérée, et de loin, comme la meilleure des séries super héroïques dans le catalogue du duo Marvel/Netflix. Lancée la première, elle en est déjà à sa troisième saison (qui ne fait pas suite à la deuxième mais à The Defenders). A l’heure où Iron Fist et Luke Cage viennent d’êtres annulées et où une suite à The Defenders semble plus que compromise, qu’attendre de cette saison 3 de Daredevil ? Un retour aux sources ? Du renouveau ? De la déception ? Après les excellentes saisons 1 & 2, la série a-t-elle réussi à conserver toutes les qualités qu’on lui connait ?
Darkdevil
A la fin de The Defenders, nous avions quitté Matt Murdock alors qu’il était dans une fâcheuse posture. Il avait décidé de rester auprès d’Elektra tandis qu’un immeuble entier s’écroulait au-dessus d’eux et que l’eau envahissait les galeries où ils s’étaient réfugiés. La saison 3 reprend exactement à ce moment là. Matt se retrouve balloté entre les débris et emporté par un véritable torrent d’eau. Il arrive à survivre miraculeusement et se retrouve à moitié mort au bord d’une plage. Il a tout juste la force de demander à la première personne passant près de lui de l’emmener à l’église du père Lantom. De son côté, Wilson Fisk est toujours en prison mais un coup du sort le place dans les bonnes grâces du FBI. En échange d’infos sur les plus gros mafieux de NY, ce dernier se retrouve transféré de sa prison à un luxueux hôtel sous la surveillance d’agents spéciaux. Cependant, ceux qui le connaissent, comme la journaliste Karen Page ou l’avocat Foggy Nelson, s’interrogent : quelles sont les véritables intentions de Fisk ? De son côté, Matt est bouleversé par cette nouvelle. Persuadé que Fisk prépare un mauvais coup, ne voulant plus mettre en danger ses proches, il décide de jouer le mort en ne signalant à personne qu’il a survécu et endosse son costume noir originel, bien décidé à arrêter son ennemi juré quitte à employer des méthodes brutales et à franchir certaines limites.
C’est donc le retour aux sources que les showrunners ont choisi pour cette troisième saison. Daredevil revient ici à son costume noir des débuts. Idem concernant son entourage, n’espérez pas voir Jessica ou Luke, cette saison se veut très intimiste et principalement axée sur Matt et ses proches. Niveau ton, l’ambiance se veut résolument très sombre. Entre les manigances de Fisk, la perdition de Matt, la fragilité de Karen, les notes d’espoir ou d’humour sont vraiment très light. Sans conteste la plus viscérale de toutes, cette troisième salve d’épisodes se veut aussi la plus impressionnante niveau action. Oubliez Luke Cage et Iron Fist, ici chaque scène de combat est un petit bijou de chorégraphie et de violence. On note l’habituelle baston en plan séquence, une friandise que les fans attendent de pied ferme et qui encore une fois ne déçoit pas. Nerveuse, violente, épuisante, elle nous montre un Matt Murdock dans son costard d’avocat pris au piège dans une prison et devant se débarrasser de dizaine de détenus. Inutile de faire durer le suspense, elle se positionne comme la meilleure et la plus intense jamais vue dans Daredevil… et ailleurs à la tv ?
Niveau action pure, difficile de trouver une série qui fait mieux… à part Into the Badlands (dont je vous parlerai un jour), la concurrence est largement en dessous. Mais Daredevil, ce n’est pas que de la prouesse physique, c’est aussi une leçon de jeu d’acteurs. Charlie Cox reste bluffant dans son rôle de Matt Murdock, que ce soit dans la détresse ou la rage du personnage. De plus, il joue toujours à la perfection la cécité, ce qui ajoute beaucoup au réalisme de son jeu et des scènes d’action. Mais s’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait Vincent D’Onofrio qui encore une fois délivre une prestation magistrale. Charismatique à l’extrême, il arrive à transmettre toute l’intensité de son jeu aussi bien pendant l’une de ses tirades formidablement bien écrites que pendant un simple échange de regard. Imposant dans sa gestuelle, dans son timbre de voix, D’Onofrio prouve qu’il est un immense acteur et place Wilson Fisk en n°1 des méchants de Marvel, films compris. Deborah Ann Woll est extrêmement touchante dans son interprétation d’une Karen Page à fleur de peau et constamment sur le fil. On remarque aussi une excellente prestation des nouveaux arrivants, avec un Ben Pointdexter vraiment réussi (le voir glisser progressivement vers ses penchants les plus sombres pour finalement devenir Bullseye est un régal) et une sœur Marie aussi piquante qu’émouvante.
Résumons, scènes d’action énormes, personnages très bien interprétés et bien écrits, tout ça sent très bon et on peut rajouter à la longue liste de points positifs le scénario. Que ce soit pour les épisodes remplis d’action, ceux centrés sur l’histoire ou pour les plus intimistes (comme celui dédié à Karen), jamais l’ennui ne guète. Le rythme est savamment dosé et l’alternance entre temps calmes et temps forts est brillamment gérée. Ajoutons à cela une bande-son de grande qualité (le thème de Wilson Fisk, un chef d’œuvre !) plus une fin de saison réussie et le constat est clair : cette saison 3 est un sans faute sur toute la ligne.
L’avocat du diable
On pourrait se poser la question suivante : est-ce que cette saison 3 manque d’ambition ? Il faut dire que la deuxième était remplie de contenu à outrance : Elektra, le Punisher, The Hand… Ici tout parait recentré sur le strict minimum, sur les bases et c’est précisément pour cela que ça marche aussi bien. Plutôt que de tenter l’overdose, de toujours en rajouter plus, les showrunners sont vraiment revenus aux racines du personnage, des personnages même. Quelles sont leurs motivations ? Pourquoi se battent-ils ? Quelles conséquences pour leurs actes ? En nous montrant un Matt toujours plus torturé et partagé, la série plonge vraiment dans l’essence même du personnage. Et comme un bon super héros n’est rien sans une Némésis de qualité (Batman et le Joker, Superman et Luthor), cette saison 3 enfonce le clou en ramenant Wilson Fisk sur le devant de la scène. A l’image de Matt, on creuse aussi plus profond dans l’esprit de l’imposant bad guy. Au final, ce ne sont pas des super héros ou vilains qui se battent mais des hommes, avec leurs fêlures et leur vision du monde. Le Ying et le Yang, l’équilibre parfait. Inspirée en partie de l’arc Born Again des comics, la série vise juste en revenant à ses bases sans se répéter, comme une remise à zéro après les intrigues grandiloquentes de la saison 2 et de The Defenders pour revenir à quelque chose de plus terre à terre, plus sombre, moins clinquant.
La force indéniable de Daredevil a toujours été de traiter au moins une problématique de fond à chaque saison, une problématique qui sert de support au déroulement du scénario et au développement des personnages. Dans la première saison, c’était la quête de soi qui était mise en avant. Celle de Matt qui se cherchait en tant que Daredevil et par extension, la série abordait d’autres thèmes intéressants comme : qu’est-ce qu’un héros ? Quelle méthode utiliser ? Quelle image véhiculer ? La deuxième saison était celle du questionnement. Quelles conséquences pour nos actes ? Ou se trouve la limite entre justice et vengeance ? Le rôle des justiciers masqués ? Matt se retrouvait tiraillé entre ses penchants sombres incarnés par Elektra et ses questions sur son rôle et sa vision de la justice incarnées par le Punisher. Cette troisième saison reprend à la fois la dualité actes/conséquences et creuse encore un peu plus le sujet des minces frontières entre justice et vengeance. Jusqu’où aller ? Où se trouve la limite à ne pas franchir ? Elle aborde également le passé. Que faire de ce dernier, de ses erreurs et comment les accepter et vivre avec, se posant ainsi comme une véritable synthèse de tous les sujets abordés depuis le premier épisode jusqu’au dernier. La forme et le fond se retrouvent donc combinés avec énormément de talent et les problématiques abordées ainsi que les réflexions qui en découlent se révèlent toujours très intéressantes.
Post publié par Damzé le 20/10/2019 04:24
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