Jessica Jones [saison 1]
Ah les super héros ! Ils n’ont jamais eu autant le vent en poupe qu’en ce moment, ils sont partout. BD bien sur mais aussi cinéma et télévision. Qui aurait pu prédire ça ? Il y a 14 ans, le 16 Octobre 2001, la CW diffusait le premier épisode de Smallville. Souvent moquée (à tort comme à raison), elle n’est alors qu’une teen serie, un drama saupoudré de morceaux de Superman. Ce fut parfois médiocre, souvent laborieux mais sur sa fin (et après 10 saisons à l’antenne, un record du genre) alors qu’elle devenait de plus en plus une grosse adaptation de l’univers DC, Smallville a montré qu’une série de super héro viable était possible. Une fois terminée, elle a cédé sa place à Arrow. Une série ou certes il reste du drama mais ou l’accent sur le côté super héro est cette fois mis au premier plan en permanence. Plus sombre, plus adulte, mieux produite, la saison 1 de Arrow a confirmé la tendance. Une tendance vite suivie par Marvel qui, fort du succès de son MCU (Marvel Cinematic Universe) au cinéma, a rapidement proposé sa propre salve de produits télé. Arrow et The Flash sur la CW, Supergirl sur NBC, Agents of SHIELD et Agent Carter sur ABC … Beaucoup de choix mais aussi beaucoup d’uniformisation. Enfermé dans un format contraignant avec 22 épisodes par saison à produire et des cibles adolescentes à séduire, nombreuses sont les concessions nécessaires pour pouvoir être diffuser. Et c’est là qu’intervient Netflix. Non soumis aux contraintes d’audience, ni aux cases horaires, ni au côté tout public trop lisse, la plateforme de VOD était la candidate idéale pour des adaptations de comics plus poussées et c’est Marvel qui l’a compris en premier, scellant ainsi un deal sur 4 séries : Daredevil, Luke Cage, Jessica Jone et Iron Fist. La première salve fut brillante, la saison 1 de Daredevil étant sans doute à l’heure actuelle la meilleure adaptation d’une BD vers nos écrans. Que vaut la seconde ? C’est ce que nous allons voir maintenant avec Jessica Jones.
Une adaptation aussi surprenante que réussie.
Premier point, si vous vous attendiez à du Daredevil bis avec une donzelle en héroïne, vous allez soit êtres déçus soit êtres très surpris. Entendons nous bien, la formule reste la même : une approche plus « réaliste » qui oscille entre respect de l’œuvre originale et changements bien vus. Non ce qui change dans Jessica Jones c’est le ton et l’ambiance. Exit le côté « Je veux devenir un héro et sauver ma ville », place à « chacun sa merde, je me débrouille comme je peux ». Qu’on se le dise, Jessica Jones n’est pas Matt Murdock. Jessica est bordélique et très portée sur la bouteille. Ce n’est pas une bimbo et elle trimballe en permanence un vieux jean et un blouson noir usé. Quand à son occupation principale, elle ne sauve pas la veuve et l’orphelin, elle est plutôt du genre à suivre un mari infidèle pour le prendre en photo en pleine action avant d’aller réclamer sa paye une fois les preuves livrées. Oui Jessica est une détective privée et les requêtes que lui font ses clients n’ont pas grand-chose de noble. Menant une vie dissolue dans l’appartement miteux qui lui sert de bureaux, elle essaye de mener sa barque en utilisant ses pouvoirs quand c’est nécessaire. Au menu concernant ces derniers : Une force bien supérieure à la normale, la capacité de sauter très haut et le fait d’être plus résistante que la moyenne (sans être invincible, loin de là). Malgré tout cet attirail, Jessica reste pourtant atypique. Rarement une héroïne n’aura parut aussi fragile et forte à la fois. Car fragile, Jessica l’est. Alcoolique, en perpétuel questionnement sur ses actions, elle est avant tout une victime véritablement traumatisée. Un traumatisme dont la cause se résume en un seul nom : Kilgrave. Kilgrave est le bad guy de cette saison et quel bad guy ! Si Marvel à toujours eu du mal à proposer des ennemis réussis (le très décevant Ultron par exemple), la série nous livre ici sans doute le meilleur méchant de l’ère télé/ciné Marvel. Il ne veut pas détruire l’univers, il ne veut pas diriger le monde ni même tuer des super héros. Non, Kilgrave veut juste faire tout ce dont il a envie et il y arrive toujours. Totalement dénué de sens moral, personnage obsessionnel sadique et névrosé, il a le pouvoir d’influencer les gens simplement en leur parlant. Un simple « ne bouge plus » et vous serez condamnés à passer les prochaines heures de votre vie sans bouger ne serait-ce qu’un cheveu. Joué avec brio par l’excellent David Tennant (Dr Who, Broadchurch), Kilgrave est aussi charismatique que fascinant et dangereux. Un soir, il tombe sur Jessica et cette soirée la changera à jamais. Comment ? Vous le découvrirez par vous-même mais elle va vivre un véritable enfer. On la découvre d’ailleurs au tout début en train d’errer difficilement d’affaire en affaire et elle est sujette à des crises de paniques récurrentes qu’elle a du mal à contrôler. Une errance qui va prendre fin le jour ou Jessica va accepter une affaire à première vu banale, une affaire qui l’a conduira à constater que son pire cauchemar est bel et bien de retour.
Dans une ambiance à mi-chemin entre le film noir et la série de super héro, Jessica Jones possède un cachet vraiment particulier. L’ambiance est beaucoup plus intimiste que dans Daredevil, la série n’hésite pas à nous dévoiler toutes les facettes des personnages, gentils comme méchants. Le fait de proposer un adversaire qui n’est absolument pas dans la confrontation physique est d’ailleurs très rafraichissant. Oui Jessica est très forte mais contre Kilgrave ça ne lui sert strictement à rien tant elle est noyée dans un sentiment de peur et d’impuissance. Le spectateur va assister via les 13 épisodes qui composent cette saison 1 à une lutte plus mentale que physiques. Jessica est cabossée par la vie et elle va devoir faire face à ses peurs, ses doutes et les pouvoirs ne servent pas à grand-chose dans ce genre de situation. Jessica et Kilgrave sont les 2 faces opposées d’une même pièce, elle est très forte physiquement mais fragile mentalement tandis qu’il est n’est pas plus fort qu’un homme lambda mais impitoyable et sur de lui. Il faut dire que Krysten Ritter (Breaking Bad, Black List) livre une prestation impeccable dans le rôle titre. Elle incarne à merveille son personnage dans ses moindres aspects et c’est ça qui fait toute la réussite de la série. Une bonne héroïne et un bon méchant, après tout que serait Batman sans le Joker et inversement ? La voir se débattre comme elle peut face un Kilgrave, calme, classieux et imprévisible est à la fois crispant et jouissif. Il est tellement rare de voir un méchant voler la vedette que chaque scène ou Kilgrave est présent se savoure avec un plaisir non dissimulable, la présence du personnage hante d’ailleurs la saison toute entière même quand il n’est pas à l’écran.
N’allez pas croire pour autant que ce soit les deux seuls protagonistes valables. La série compte dans son roster certains personnages secondaires valant le détour. Au premier rang, l’inévitable Luke Cage (prochaine série Netflix Marvel). Joué par un très convaincant Mark Colter, Luke est un personnage lui aussi doté de pouvoirs. Outre le fait d’être très fort, il a une peau absolument impénétrable. Un coup de couteau ? Du feu ? Aucun problème. En plus d’être introduit et utilisé intelligemment, le personnage est immédiatement séduisant et laisse présager le meilleur concernant sa série. Gravitant autour de Jessica, lié par un coup du sort, Luke sera lui aussi impliqué dans les manigances de kilgrave. Tout comme Trish, la meilleure (et seule ?) amie de Jessica. Ancienne starlette de télé et maintenant star de la radio, elle est comme une sœur pour cette dernière. Avec Malcom, un jeune paumé voisin de Jessica, ils serviront de soutiens mais également de marqueurs moraux poussant l’héroïne à faire les bons choix quand elle doute le plus. On retiendra également la prestation de Carrie-Anne Moss (l’inoubliable Trinity de Matrix) qui campe brillamment l’avocate Jeri Ogarth, froide et sans pitié.
Super héro ? Ou ça ?
Jessica Jones est indéniablement une bonne série mais est-ce vraiment une série de super héro ? Le doute est parfois permis. Très centrée sur une petite échelle, Jessica Jones met le côté costume/pouvoir parfois très en retrait. Non pas que ce soit désagréable mais nous étions légitimement en droit d’en attendre un peu plus. Et du côté des pouvoirs justement, il y aurait 2 ou 3 choses à redire. Arborant le même état d’esprit que Daredevil, les facultés particulière de Jessica ne sont pas expliquées ni détaillées. Il en résulte alors quelques questionnements, comment une femme capable de soulever l’arrière d’une voiture peut se faire mettre ko par 5 ou 6 hommes normaux ? Il est dit que Jessica peut sauter très haut mais à aucun moment vous ne la verrez faire un bon entre 2 immeubles. Le côté réaliste est certes bien fait mais il donne à cette Jessica Jones un côté beaucoup moins impressionnant que dans le comics. Et si le personnage est vraiment réussi, certains pourraient être déçus par le manque d’envergure de ses capacités.
Autre grief, les scènes d’actions. Habitué à du savatage de haut vol avec un Daredevil distribuant les mandales par paquet de douze dans des scènes impressionnantes et extrêmement bien chorégraphiées, Jessica Jone nous fait subir un sevrage. Les scènes d’action son bien moins nombreuses mais surtout elles ne sont pas spécialement bien mises en valeur donnant un aspect assez brouillon à des affrontements qui se résument dans 80% des cas à 2 ou 3 coups de poings accompagnés d’une projection contre un mur. Dommage car la série propose, notamment sur la fin, 2 combats impressionnants.
Nous avons abordé plus haut le cas des personnages et si la plupart sont réussis, ce n’est pas le cas de tous. Le flic Simpson par exemple est caricatural au possible et mal joué, idem pour la femme de Jeri et sa secrétaire qui semblent bien fades comparées au reste du casting.
Enfin, il est bon de signaler que si le scénario est vraiment bon … certains twists sont vraiment trop prévisibles et sans surprise.
Post publié par Damzé le 19/10/2016 06:13
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