Zone Dubitative

Kaamelott - Premier Volet

12. C’est le nombre d’années qu’il aura fallu attendre pour enfin voir la suite de Kaamelott. Chapeauté de A à Z par Alexandre Astier, le programme culte de M6 n’a cessé d’évoluer au fil du temps. D’abord simple collection de vignettes humoristiques de 4-5 minutes, Kaamelott a fini par devenir une vraie série avec des épisodes de 50 minutes. Une nouvelle envergure qui a permis à son créateur d’étoffer son univers et de donner encore plus de profondeur à ses personnages. Mais arrivé à la fin de la sixième et dernière saison, Alexandre Astier a encore eu des envies d’évolution. Pour lui, la suite de Kaamelott devait se faire au cinéma avec une trilogie. Alors pourquoi autant d’attente ? Comme bien souvent, à cause d’histoires de droits mais aussi, on l’imagine, d’âpres négociations en coulisse, sans compter le temps d’écriture, le planning des acteurs, etc. Quoi qu’il en soit, après 12 longues années d’attente, nous y sommes ! Kaamelott - 1er Volet sort enfin au cinéma !

Inutile de dire que pour son grand retour, le roi Arthur va avoir fort à faire... Surtout qu’un adversaire inattendu à brusquement fait son apparition et je ne parle pas de Lancelot mais du pass sanitaire qui est venu bousculer une énième fois les salles de ciné alors qu’elles n’avaient vraiment pas besoin de ça. Sachez que pour écrire cette critique j’ai dû sacrifier ma virginité nasale. Une infirmière m’a enfoncé une gigantesque tige dans le pif avec la délicatesse d’un ouvrier du BTP, une épreuve nécessaire afin que je puisse voir le film. Tout cela en valait-il la peine ? Kaamelott - 1er Volet est-il la suite dont nous avons toujours rêvé ? Ma narine droite va-t-elle s’en remettre ?

 

Evidemment qu’il est pas mort, ça fait 10 ans que je vous le dis gros salsifis !

10 ans… Une décennie que plus personne n’a vu ni entendu parler d’Arthur Pendragon au royaume de Logres. Un royaume en déclin depuis que le tyrannique Lancelot règne dessus d’une main de fer. Ses hommes parcourent d’ailleurs encore terres et mers à la recherche de l’ancien roi pendant que les rares poches de résistance semblent totalement inefficaces. Pourtant, un jour, un mercenaire va trouver une piste. Et si un mystérieux esclave vendu des années plus tôt était en fait le roi disparu ? Arthur peut-il revenir et reprendre le trône à Lancelot ? En a-t-il seulement l’envie ?

Kaamelott - 1er Volet (KV1) a tout du projet casse-gueule. Des hordes de fans l’attendent depuis des années comme le messie, les haters également mais pour le descendre en flèche. De plus, on sait qu’une partie du public est divisée. Il y a ceux qui préfèrent le ton léger et humoristique des quatre premières saisons de la série et ceux qui préfèrent le côté plus sérieux et dramatique amené par les deux dernières. Sans surprise, KV1 est bien plus proche des Livre V et VI de Kaamelott que des quatre premiers. On retrouve donc ici ce mélange entre humour et sérieux mais encore un cran au-dessus de ce à quoi nous avait habitués la série. Que ce soit au niveau des costumes (très, très réussis) ou encore des décors (proposant parfois des panoramas sublimes), on sent qu’un palier a été franchi. L’univers de Kaamelott n’en devient alors que plus palpable, plus réel. On a l’impression qu’enfin les fenêtres ont été ouvertes. Tout semble plus beau, plus grand et chaque retour à l’écran d’un personnage culte procure un réel plaisir. Qu’on se le dise, Kaamelott reste Kaamelott, c’est à dire cet espèce de mélange improbable entre du Monty Python et du Audiard sous fond de légendes arthuriennes racontées de manière plutôt réaliste. On rit et sourit souvent, tantôt grâce aux dialogues, tantôt face à des situations rocambolesques. Que ce soit via les punchlines d’un Léodagan au sommet de son art ou encore les pitreries des inévitables Perceval et Karadoc, les fans en auront pour leur argent. Parfois le curseur est poussé très loin, certains apprécieront, d’autres non mais laissez-moi vous dire que la scène de la partie de Robobrole, un des nombreux jeux incompréhensibles du Pays de Galles, m’a beaucoup fait rire. C’est aussi un véritable bonheur de retrouver des personnages moins récurrents comme par exemple le Duc d’Aquitaine (joué par le toujours impeccable Alain Chabat) ou encore le roi Loth (François Rollin). Et les petits nouveaux dans tout ça ? C’est une totale réussite. Guillaume Gallienne est étonnamment crédible en mercenaire cruel, tout comme Clovis Cornillac en marchand d’esclaves ou même Sting (oui, le chanteur) en chef saxon. De nouveaux arrivants qui s’incorporent tous à merveille au sein de la grande galerie, déjà bien remplie, de personnages marquants de Kaamelott.

Mais KV1, ce n’est pas que de l’humour, ce sont aussi des choses plus sérieuses, plus graves. Rappelons quand même que nous avions quitté Arthur après qu’il ait tenté de se suicider, après qu’il ait tout abandonné. Nous retrouvons donc ici un homme toujours en partie brisé, qui rêve qu’on lui foute la paix et que pourtant tout le monde attend. Ses amis l’attendent, ses chevaliers l’attendent, parfois juste parce qu’il est « ce bon vieux roi Arthur », parfois parce qu’il est l’homme providentiel, l’envoyé des dieux magnant Excalibur et censé résoudre tous les problèmes. Un poids bien lourd qu’Arthur ne semble pas prêt à encaisser de nouveau. Et pourtant, par le biais du destin et grâce à quelques coups de pouces discrets, il va se retrouver à son point de départ, devant l’épée plantée dans la roche. Sous couvert d’aborder les légendes arthuriennes de façon décalée, Alexandre Astier a toujours aimé glisser en sous-texte d’autres sujets plus terre à terre comme par exemple le fait qu’Arthur soit obsédé par sa descendance et qu’il n’arrive pas à avoir d’enfants. C’est encore le cas ici même si c’est forcément moins développé que dans les livres V et VI, le film ne durant que deux heures et ayant énormément de choses à traiter. On y aborde quand même certaines thématiques, certains traumatismes comme la solitude et le doute qui se matérialisent même parfois de façon visuelle notamment avec le personnage de Lancelot, souverain entouré de traîtres qui n’a jamais semblé aussi isolé, jusque dans son armure au look singulier qui ne laisse voir à ses interlocuteurs que son regard glaçant. Par moment KV1 sait également se montrer très touchant (quand Arthur découvre la table ronde de fortune de Bohort), voire même poétique (la scène de la tour avec Arthur et Guenièvre), presque de quoi lâcher une petite larmichette pour les plus sensibles.

Naviguant entre différents styles, KV1 est un film riche, encore plus pour les fans de la première heure. Et si les acteurs, les costumes, les décors etc., comptent énormément pour parvenir à ce résultat très satisfaisant, il y a un élément qui se démarque clairement du lot, qui est crucial même : la musique. N’y allons pas par quatre chemins, la bande-son du film est tout simplement grandiose. On passe par toutes les émotions en l’écoutant et elle colle parfaitement à ce que l’on voit à l’écran, comme taillée sur mesure, au millimètre près. Parfois, il y aurait même un petit air de John Williams dans tout ça. Assurément l’une des plus grandes réussites du film.

 

Quand le roi Arthur tire un peu trop sur le manche…

Réalisateur, monteur, musicien, acteur… et j’en passe, Alexandre Astier fait tout. Il le dit lui-même : « Je préfère tout faire, quitte à rater certains trucs, plutôt que d’expliquer des choses à un mec qui ne va pas comprendre ou faire ce que je veux ». Il y a des avantages à cela comme l’aspect très personnel du film où l'on reconnaît bien la patte de l’auteur. Mais il y a aussi des inconvénients. Ça fait beaucoup de casquettes pour un seul homme et si Alexandre Astier est doué, il n’est pas non plus omniscient ou parfait dans toutes les tâches qu’il s’est imposé. Du coup, si KV1 est globalement une réussite, le film conserve quand même pas mal de défauts. En premier lieu, une réalisation très sage, trop même. Il ne faut clairement pas s’attendre à une prouesse de ce côté-là. C’est efficace mais ça manque de relief et de dynamisme. Idem du côté du montage qui semble parfois taillé à la serpe surtout quand on voit certaines transitions pour le moins abruptes (je vous parie un petit bifton qu’il risque d’y avoir des scènes coupées au montage sur le Blu-Ray).

KV1 a aussi un souci de rythme. Le film dure pourtant deux heures mais on a comme l’impression que ce n’est pas assez. Le début prend son temps, pose l’ambiance, nous réhabitue… un peu comme le baigneur qui commence par mettre les pieds dans l’eau et se mouiller la nuque puis vers le milieu tout s’accélère. Un peu trop. Des personnages se téléportent d’une scène à une autre, d’autres se croisent subitement alors qu’on ne s’y attendait pas et cela donne à l’ensemble un côté un peu rushé comme si Alexandre Astier, après avoir pris son temps pour le début, s’était retrouvé pris de court. Il faut dire qu’entre les personnages principaux, les secondaires et les nouveaux, ça fait vraiment beaucoup de monde à l’écran et on sent que la gestion de tout ça n’a pas dû être une mince affaire. D’ailleurs ça se ressent car certains personnages disparaissent du film de manière un peu brusque (comme le Duc d’Aquitaine par exemple) tandis que d’autres ont juste quelques scènes d’à peine quelques minutes (les fans de la Dame du Lac, vous allez êtres en PLS). On pourrait aussi pester sur les rares scènes d’action. Soyons clairs, personne ne va aller voir KV1 au ciné en espérant de la grosse bagarre ou une bataille digne du Seigneur des Anneaux mais il faut bien admettre que le face à face final entre Arthur et Lancelot ne tient pas toutes ses promesses, tout comme la scène du siège. On sent que ce n’est pas le point fort d’Alexandre Astier. On pourrait aussi parler des flashbacks, intéressants dans ce qu’ils racontent mais pas forcément tout le temps bien placés dans le film et un peu trop courts. Un dernier petit mot pour parler des effets spéciaux : il y a du bon et du moins bon. Ils sont parfois moyens (le siège, les catapultages sur la forteresse) et parfois très réussis (Excalibur à la fin). Rappelons quand même que le film ne bénéficie clairement pas d’un budget pharaonique.

 


Le retour du roi que tout le monde attendait mais qui ne voulait pas revenir
Que les fans se rassurent, Kaamelott est resté Kaamelott. Pourquoi KV1 fait mouche malgré ses défauts ? Tout simplement parce qu’il nous raconte toujours cette même version des légendes arthuriennes à taille humaine, avec ses héros qui n’en sont pas ou ne veulent pas en être, avec ses personnages faillibles. Arthur est usé, désabusé, pessimiste et pourtant, parfois, il suffit d’une étincelle pour que l’on retrouve en lui cette aura particulière, celle du roi, celle du sauveur malgré lui. Alternant les passages drôles ou absurdes (beaucoup) et les moments d’émotions (qui ne sont clairement pas en reste), KV1 est bien la suite tant attendue des aventures d'Arthur. Tout le monde ou presque répond présent à l’appel et c’est un véritable plaisir de revoir le roi et toute sa bande interagir. Il y a bien quelques scènes qui tombent un peu à plat mais pas de quoi gâcher le plaisir du spectateur. Surtout que, cinéma oblige, l’univers de Kaamelott n’a jamais semblé aussi vrai, vivant et réaliste. Kaamelott est l’enfant chéri d’Alexandre Astier. Habitué à tout faire lui-même, il a endossé tous les rôles possibles pour ce film. Une méthode qui a indéniablement des avantages : on retrouve toujours ce côté très personnel (notamment dans les thématiques abordées), des dialogues taillés sur mesure pour chaque personnage, une bande-son incroyable de beauté et de justesse… Mais cette omniprésence a aussi ses défauts. La réalisation, sans être décevante, n’est pas non plus des plus emballantes. Le montage a un côté bancal par moment. Il y a des soucis de rythme évidents et clairement un manque de maîtrise concernant les scènes d’action.

On sent qu’Alexandre Astier a parfois trébuché. A l’image de son Arthur, il s’est parfois planté, il a vacillé mais il a fait KV1 avec le cœur, avec sincérité et ça se ressent. Du coup, malgré ses maladresses évidentes, ce premier volet devrait amplement contenter les fans. De plus, ce qui est teasé pour le deuxième volet est particulièrement intéressant. Et pour les non fans me direz-vous ? N’hésitez pas à tenter le coup. Bien sûr, au début, ce sera un peu compliqué de se repérer au milieu de tous ces personnages mais l’histoire est claire et se laisse suivre facilement. Si vous accrochez au film, vous aurez alors six saisons de la série à découvrir en attendant la suite… Une suite qui reste, on l’imagine, liée au succès de ce premier volet. Avec la période actuelle, le COVID et le pass sanitaire, il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que les spectateurs soient au rendez-vous.

Et puis après tout...  Lapis volvens, non famem ad regem in gladio ! Bon ça n’a aucun sens mais on pourrait très bien imaginer une traduction du type : La pierre qui roule n’amasse pas la mousse sur l’épée du roi... ce qui ne veut rien dire non plus, notez-le bien.

 

 

Post publié par Damzé le 03/08/2021 12:12

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