Star Wars VIII : Les Derniers Jedi
Il n’y a pas bien longtemps, dans une salle de cinéma lointaine, enfin pas tant que ça… Ciné Wars : Episode 8, L’empire Disney contre-attaque. Après des années d’attente et un rachat de la saga de Lucas par Disney, les fans de Star Wars ont enfin eu droit à une nouvelle trilogie. Le premier film de cette dernière, L’éveil de la Force, réalisé par JJ Abrams, a totalement pété tous les records du box office… mais secrètement une révolte commence déjà à gronder. Trop proche du IV, trop de fan service ? Les gens sont partagés entre le plaisir de retrouver Star Wars et le manque de réelles innovations. Décembre 2018, Star Wars VIII : Les derniers Jedi sort dans nos salles de ciné. Et là c’est le drame ! On sait que chaque film de la saga est toujours scruté à la loupe, analysé seconde par seconde par des hordes de critiques en tous genres, amateurs comme pros. Chaque film provoque le débat et ce n’est pas la fameuse prélogie de Lucas qui dira le contraire mais il faut bien avouer qu’avec Les derniers Jedi, on atteint des sommets. Alors que les critiques des sites et des magazines étaient dithyrambiques sur ce nouvel opus réalisé par Rian Johnson, une cassure dans la Force s’est produite… un gigantesque schisme qui a divisé les fans comme jamais.
Ainsi depuis, deux camps s’affrontent farouchement tels des Jedi et des Sith. Dans le coin gauche, ceux qui pensent que le film de Rian Johnson est une hérésie, un gigantesque doigt d’honneur envers les fans et la saga, une désacralisation de Star Wars. Dans le coin droit, ceux qui pensent que le film va dans la bonne direction et qui sont contents du résultat. Nom d’un wookie enragé, on en a mangé du débat ! De mémoire, on a rarement vu autant de vidéos Youtube expliquant pourquoi le film est au choix une daube ou un succès. Des vidéos par centaines répétant plus ou moins les mêmes choses avec en bonus des milliers de commentaires où les débats commencent en parlant de Star Wars et se terminent en parlant de relations sexuelles non consenties avec des mamans. Alors qui a tort, qui a raison ? L’empereur Mickey, appuyé par les critiques élogieuses, se pavane pendant que sur le net, les rebelles s’organisent pour que la note du film soit beaucoup moins flatteuse dans la catégorie avis du public. Qui gagnera la bataille ? Est-ce que Jar Jar Binks est un seigneur Sith ? Quand est-ce que les gens se rendront enfin compte que la VF de Star Wars IV est totalement culte ? Comme dirait Han Solo à Chiktaba : « allez Chico, on met la gomme ! ».
Massacre au sabre laser
Reprenant là où l’épisode VII s’était arrêté, Les derniers Jedi (que l’on va abréger en LDJ) nous raconte les dernières mésaventures des rebelles face au Premier Ordre. Des rebelles qui, suite à une attaque suicidaire contre les sbires de Snoke, se voient contraints de fuir alors que toute une flotte ennemie se lance à leurs trousses. Pendant ce temps, Rey a enfin retrouvé le légendaire Jedi Luke Skywalker. Les rebelles arriveront-ils à survivre ? Pourquoi Luke s’est retiré dans un coin perdu de la galaxie ? Rey et Kylo Ren accompliront-ils leurs destins respectifs ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet épisode VIII démarre sur les chapeaux de roue bien aidé par une bataille spatiale aussi haletante que formidablement bien mise en valeur par la réalisation de Johnson. Une bataille toute à la gloire de Poe Dameron afin de nous montrer qu’il est bien le meilleur pilote. Et pourtant, déjà, une impression bizarre se dégage de ce début en fanfare. L’humour est certes un peu lourd mais ne casse pas la tension dramatique de cette introduction. À ce moment là impossible de comprendre pourquoi tout le monde s’étripe en parlant de ce film. Il ne faudra pas attendre très longtemps pour le comprendre. Comme un symbole, la première scène entre Luke et Rey va irrémédiablement diviser la salle et ce jusqu’à la fin du film car ce qui se passe à ce moment là est lourd de sens. Attention mini spoil (ce sera le seul de cette critique) : L’épisode VII se terminait avec ce plan iconique de Rey tendant son sabre laser à Luke.
Les images, la musique, l’émotion procurée par cette scène, tout est resté gravé à jamais dans la mémoire des fans. Et quand l’épisode VIII décide de reprendre l’histoire de Rey à partir de la seconde même où l’épisode précédent s’était arrêté, la cassure intervient. Luke prend lentement le sabre, le regarde quelque seconde… puis le balance derrière lui comme on se débarrasse d’une vieille paire de chaussettes sales. Pourquoi ce moment est le plus important du film ? Parce que c’est majoritairement à partir de là que les avis vont se diviser. Il est d’ailleurs très intéressant de regarder les réactions des gens présents dans la salle de ciné. Certains rigolent, prenant le geste de Luke pour un gag du film. D’autres sont étonnés, surpris et sourient. Et certains pestent déjà, déçus par la désacralisation totale de toute la puissance émotionnelle de la fin de L’éveil de la Force. A partir de là, trois clans majoritaires vont se former. Premier clan, le public lambda qui aime les blockbusters. Ce sont ceux qui ont rigolé, les mêmes qui rigolent devant un Thor Ragnarok ou un Gardiens de la Galaxie, les mêmes qui vont voir un Fast & Furious pour se vider la tête pendant deux heures sans prétention autre que celle de s’amuser. Pour eux, LDJ est un film de SF, point barre. Ils aiment les Porg, ils aiment les vaisseaux spatiaux, l’ambiance, etc.
Deuxième clan, les fans surpris. Ce sont ceux qui n’ont pas pesté quand Luke a balancé son sabre chaussette laser. Pour eux, c’est différent de ce qu’ils attendaient mais ils passent outre cette prise de liberté de Rian Johnson et ils arriveront à le faire pendant l’intégralité du film, pensant que c’est finalement une bonne chose que l’on s’écarte des étapes habituelles fondatrices d’un Star Wars. Et enfin, le troisième clan, les fans déçus. Pour eux, à partir de la scène Luke/Rey, le film va se transformer en gigantesque sacrilège envers Star Wars. Certains concepts seront balayés, l’humour typé des productions Disney (coucou le MCU) ne fera pas mouche, l’évolution de l’univers Star Wars ne les convaincra pas. Autant être honnête, cette critique va pencher bien plus du côté des déçus. Pourquoi ? Pour commencer, et c’est extrêmement subjectif, le traitement du personnage de Luke Skywalker est clairement un raté sur la majeure partie du film. L’avoir fait échouer, d’accord, mais nous sommes ici presque dans la caricature avec un Luke vivant tel un vieux clodo grincheux sur son île (le parallèle entre la bouteille de lait et la bouteille de vin pour picoler ?). Quitte à faire en sorte qu’il échoue, autant essayer d’en faire quelque chose de vraiment osé (succomber au côté obscur ?) plutôt que cette espèce de resucée de Yoda dans L’Empire contre-attaque qui se veut bien moins convaincante que son modèle d’origine. Les aspects les plus intéressants, comme le pourquoi de la cassure entre Luke et Kylo Ren, sont survolés via des scènes fortes mais ne durant que quelques secondes. On aurait largement préféré voir tout cela plus en détails. Surtout que le film, s’il est finalement assez avare en détails sur ce qui tourne autour de Luke, n’hésite pas à nous infliger moult scènes dispensables.
Chewie et les Porg ? Poe Dameron qui vanne Husk pendant cinq minutes au début du film ? Des passages teintés de l’humour typique des derniers blockbusters Disney, MCU en tête, qui fait beaucoup moins mouche dans ce Star Wars et surtout qui se veut bien moins efficace que l’humour de situation (certes parfois un peu enfantin) qui était encore présent dans l’épisode VII… Pas mal de scènes dispensables donc mais comment ne pas parler de tout l’arc narratif dédié au personnage de Finn qui, non content d’être laborieux et quasi inutile, se paie le luxe de durer 20-30 minutes. On sent clairement que Rian Johnson n’a voulu en faire qu’à sa tête quitte à entrer en contradiction totale avec l’épisode VII. Il ne savait clairement pas trop quoi faire du personnage de Finn et ce dernier se retrouve au cœur d’une sous-intrigue, basée sur la recherche d’un hacker, peu convaincante sur une planète semblant n’avoir été créée que pour proposer une séquence typée cantina. Pire, les relents moralisateurs qui flottent tout au long de cette partie du film sont insupportables. Il ne faut pas enfermer les animaux, ni les maltraiter. Ok Rian mais est-ce nécessaire d’aborder le sujet dans Star Wars ? Surtout en le faisant avec si peu de finesse. Mais la palme de la consternation revient sans conteste à la pseudo critique du capitalisme glissée au milieu de tout ça… très drôle (pas dans le bon sens du terme) quand on sait que le film vient de Disney avec tout son merchandising, ses parcs et ses fraudes à l’impôt.
C’est un peu comme raconter que la peine de mort c’est mal tout en pendant quelqu’un à un arbre en même temps. De petites leçons de morale qui satisferont sans doute quelques personnes sur Twitter mais encore une fois, dans Star Wars ? Avec si peu de finesse ? Pour en revenir au film et la partie dédiée à Finn, comment ne pas évoquer le personnage de Rose ? C’est bien simple, on en cherche encore l’intérêt. Clichée, peu intéressante, il est bien difficile de s’intéresser à cette jeune femme aux airs de déjà vu. Luke, Finn, Rose… le développement de beaucoup de personnages semble poser problème dans LDJ, jusqu’à Snoke lui-même. Rarement aura-t-on vu un méchant si peu développé, si peu utilisé, une véritable caricature (jusque dans ses monologues dignes d’un méchant de dessin animé) de l’individu machiavélique qui est méchant juste parce que. On pourrait également parler de l’amiral Holdo, joué par Laura Dern, aux réactions aussi peu crédibles que son look pour une tête pensante des rebelles censée gérer une crise. Bref, l’impression de se trouver presque constamment face à une zone grise où l’on ne sait plus si les défauts viennent des personnages ou du scénario ou des deux se fait fortement sentir. Et niveau scénario bâclé, LDJ ne fait pas dans la dentelle. Ayant bossé pour la télé, Rian Johnson est un accro du retournement de situation. C’est bien, le souci c’est qu’il applique ici sa méthode avec la grâce d’un pachyderme.
Pire, le twist final concernant la poursuite rebelles/Premier Ordre est un deus ex machina absolument dégueulasse, un twist qui nous rappellera notre enfance quand on se racontait des histoires et qu’on balançait des « mais en fait on dirait qu’il n’est pas mort parce qu’il a survécu ». Quand on a 10 ans, c’est excusable. Quand on réalise un Star Wars, beaucoup moins. Pire, le twist en question donnera du grain à moudre aux fans de théories en tous genres qui se demanderont pourquoi une telle chose n’est jamais arrivée avant. Toujours dans la scénarisation bancale, comment ne pas s’agacer du peu de temps accordé au duo Luke/Rey. A part une simili formation en ultra accéléré et quelques dialogues, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Certaines répliques font mouche mais certaines scènes semblent too much, comme celle dans la caverne. Autre point polémique mais pas nouveau puisque déjà présent dans le VII, l’usage de la Force. Alors qu’il y avait une certaine cohérence entre la prélogie et la trilogie originale, on a comme l’impression que depuis L’éveil de la Force, l’utilisation de cette dernière s’apparente à une gigantesque foire à la saucisse. Entre les aptitudes avancées qu’utilisent certains personnages alors qu’ils n’ont jamais été entraîné et les nouvelles, sorties du chapeau de Rian Johnson et ne servant qu’à justifier un énième twist du scéanrio comme par magie, on se demande bien s’il reste une once de cohérence dans tout ça. Qui peut faire quoi ? Pourquoi ? Des questions qui ne semblent pas intéresser le réalisateur qui préfère déjouer les attentes des spectateurs pour faire le malin, quitte à prendre de grosses libertés provoquant certaines situations peu crédibles.
L’équilibre dans la Force
Y a-t-il quelque chose qui fonctionne dans le film ? Oui, heureusement. En premier lieu, le personnage de Kylo Ren qui s’émancipe ici du lourd héritage de Dark Vador et par extension de celui de la trilogie originale. Fade dans l’épisode VII, Kylo reprend ici des couleurs, gagne énormément en charisme et se pose sans doute comme le personnage le plus intéressant du film. Une vraie bonne surprise. Rey, si elle est moins bien gérée, reste globalement bien développée. Elle persiste à suivre sa propre route et aucun twist foireux sur son passé ne vient gâcher la fête. Si les deux personnages fonctionnent bien seuls, ils le font encore mieux en duo. Point central du film, l’élément fil rouge de l’intrigue est l’évolution parallèle de nos deux protagonistes qui décident de s’émanciper des écrasantes figures auxquelles on les renvoie sans cesse. Kylo ne sera jamais Dark Vador tout comme Rey ne sera jamais Luke et c’est clairement une bonne chose et incontestablement le point fort de LDJ. Dommage que tout ce qui tourne autour d’eux soit relégué au second plan d’un vif coup de balai, surtout quand ça concerne certains points iconiques de la mythologie Star Wars. On comprend bien qu’à travers son film, Rian Johnson a voulu tuer le père mais encore faut-il le faire avec la manière et ne pas l’enterrer à la va vite puis uriner sur sa tombe car sans le père point de descendance et point d’épisode VIII. Autre bon point, la dernière partie du film.
Avec un duo Kylo/Rey émancipé et un Rian Johnson qui semble enfin avoir terminé sa crise d’ado et qui cesse de faire des doigts au passé de la saga, LDJ nous délivre un ultime acte aussi fort émotionnellement que visuellement. Le réalisateur, souvent maladroit dans ses retournements de situation capillotractés, tape enfin juste et déjoue une ultime fois les attentes… mais de manière réussie notamment en ce qui concerne Luke. Bien sûr ça fera débat mais c’est déjà le cas de tout le reste du film, pourquoi la fin y échapperait-elle ? Un mot sur la réalisation qui propose parfois certaines scènes et certains plans d’une beauté à couper le souffle pour dire que Rian Johnson pose discrètement sa patte sur la mise en scène du film. Ce n’est pas toujours bluffant mais c’est infiniment moins passe-partout que la prélogie. On regrette quand même que la plus grosse scène d’action du film impliquant Rey et Kylo Ren soit clairement un raté. Certes l’image est belle mais qu’est-ce que c’est brouillon ! Les chorégraphies semblent approximatives et ce qui aurait dû être LA scène que l’on retient (comme l’arrivée de vous savez qui vers la fin de Rogue One ou le duel Anakin/Obiwan dans La revanche des Sith) se transforme en scène esthétiquement réussie mais au final assez peu marquante… en tout cas beaucoup moins que la confrontation finale sur Crait alors que cette dernière se veut pourtant très avare en termes d’action.
Alors forcément certains passeront outre et aimeront cette nouvelle direction en se disant « tant mieux, bon débarras » mais d’autres n’oublieront jamais la déception que fut cet épisode. Ce sera mon cas, je n’ai pas aimé Star Wars VIII. J’aurais voulu mais je ne peux pas et je suis inquiet pour la suite de la saga et son épisode IX… mais aussi pour la prochaine trilogie qui sera chapeautée par Rian Johnson. Bref, j’ai ressenti un trouble dans la Force depuis ce film. Pour finir, je vais raconter une anecdote. Quand j’étais dans la salle de ciné pour voir Les derniers Jedi, j’ai vu quelqu’un se lever. La personne partait avant la fin. Je fus très surpris de constater quand elle passa près de moi que c’était un monsieur d’une soixantaine d’années. Je l’ai interpellé discrètement avec un sourire en coin « vous aussi vous trouvez ça pas terrible ? ». Il m’a regardé et m’a dit « Ce n’est plus mon Star Wars, c’est celui des jeunes, celui de Disney. C’est comme ça, les temps changent »… « On s’est fait Mickey » m’a-t-il dit en me rendant mon petit sourire en coin et en quittant la salle. Je n’ai pas l’âge de ce monsieur et je n’étais même pas né quand l’épisode IV est sorti mais j’ai comme l’impression que ce n’est plus mon Star Wars non plus. Est-ce que c’est bien ? Moins bien ? Chacun se fera son avis mais en ce qui me concerne ça m’intéresse de moins en moins. Je préfère rester sur la vision des six premiers films et leur finalité qui me convient ainsi que sur quelques excellents romans de feu l’univers étendu. A moins que l’épisode IX ne me réconcilie avec cette nouvelle trilogie… car c’est aussi ça les divorces après plusieurs décennies de vie commune, difficile d’oublier le passé et de tout jeter. Rendez-vous pour le IX et que la Force soit avec vous !
Post publié par Damzé le 20/10/2019 03:36
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