Zone Dubitative

Stranger Things [saison 1]

Dès son arrivée sur Netflix, la saison 1 de Stranger Things à beaucoup fait parler d’elle notamment grâce un gros buzz très positif, beaucoup de critiques dithyrambiques et (excusez du peu) la validation officielle de Stephen King himself qui l’a encensé. Alors évidemment, comme à chaque fois quand ce genre de chose se produit, la question reste la même : est-ce mérité ? Et bien c’est ce que nous allons essayer de découvrir.

"Remember when my first meal was school lunch" (Danny Brown, morceau « Grown Up »).

1983, Indiana, une petite ville très tranquille nommée Hawkins. Dans le sous-sol d’une maison 4 jeunes garçons sont en pleine partie de Donjons & Dragons. Mike, Lucas, Dustin et Will forment un groupe d’amis inséparables et il faut bien tout l’insistance de la mère de Mike pour mettre fin à leur campagne de jeu de rôle au cours de laquelle nos compères s’apprêtaient à affronter un terrible monstre. Il commence à se faire tard et il est l’heure pour les amis de Mike de rentrer chez eux. Sur le chemin du retour Dustin et Will se défient, qui ira le plus vite à vélo ? Will prend l’avantage et sème Dustin. Le lendemain, nos 3 compères s’inquiètent et à juste titre puisqu’ils n’ont aucunes nouvelles de Will. Ce dernier n’est en effet jamais rentré chez lui, il a disparu sans laisser de traces. Enlèvement ? Fugue ? Et si la vérité était bien plus compliquée… et terrifiante !

Oui. Un grand oui. C’est la réponse à la question « cette série mérite t’elle son succès ? ».  Pourquoi ? Et bien déjà parce que Stranger Things est une formidable madeleine de Proust d’une efficacité redoutable. Si vous avez aimé le cinéma fantastique des années 80 et du début des années 90, si vous avez aimé lire du Stephen King, si vous êtes nostalgique du Spielberg de l’époque « E.T. » alors ne perdez plus une seconde et foncez voir la saison 1. Véritable hommage à un genre et une ambiance depuis longtemps disparus, Stranger Things est une expérience très rafraichissante. Les références présentes dans les 8 épisodes sont extrêmement nombreuses et contribues à recréer le climat des 80’s. Posters des films « The Thing » ou encore « Evil Dead » accrochés aux murs, parties de Donjons & Dragons, maquette du Faucon Millenium, le dessin animé Musclor diffusé à la télé… tout est fait pour replonger le spectateur dans cette période qui était totalement folle niveau créativité. Mais ces références ne sont pas là uniquement sous la forme de petits easter egg placés ça et là, on les retrouve aussi bien dans la réalisation que dans l’aspect visuel de la série. Ainsi on s’apercevra bien vite  que certains personnages ressemblent étrangement à ceux du film culte « Les Goonies » ou encore que cette cabane au fond du jardin ou il va se passer quelque chose de mystérieux n’est pas sans nous rappeler celle du film « E.T. » dans laquelle se cachait le fameux extra-terrestre. Le moins que l’on puisse dire c’est que les influences sont très nombreuses, allant même jusqu’à piocher du côté de romans comme « Charlie » ou encore « Carrie ». Le résultat ? Une atmosphère absolument captivante voir presque hypnotique si tout ce qui est cité plus haut fait partie intégrante de votre culture cinématographique et littéraire.

Mais attention, n’allez pas croire pour autant que Stranger Things se contente de singer ce qui a marché à cette époque et d’aligner les clins d’œils pour racoler les fans nostalgiques. La série possède sa propre identité et propose un scénario et des personnages bien écrits. Tantôt misant sur le côté enquête menée par des enfants un peu façon « Le Club des 5 », tantôt sur le côté fantastique, la série n’en oublie par pour autant de basculer fréquemment dans le genre horrifique grâce à une créature terrifiante et entourée de mystère. Sans rien dévoiler du scénario, il est bon de préciser que ce dernier est très bien ficelé et sait tenir le spectateur en haleine jusqu’à sa conclusion. L’un des plus gros succès de Stranger Things restera cependant son casting. Trouver des enfants qui arrivent à jouer juste et en faire les héros d’une histoire très variées dans ses inspirations et ses thèmes n’est pas une chose facile. Et c’est pourtant le coup de maitre qu’a réussie la série. Les 3 jeunes garçons à la recherche de leur ami vite rejoins par une étrange jeune fille forment un quatuor absolument parfait. Ils sont drôles, ils sont touchants, ils sont craquants et leur jeu d’acteur est purement et simplement bluffant. Oui ils n’ont que 12 ans mais oubliez les personnages enfants clichés des autres séries. Mike et ses amis sont cool, ils sont charismatiques et on se surprend à vouloir devenir amis avec eux… même à plus de 30 ans ! Si les enfants volent la vedette aux autres acteurs, il faut avouer que le reste du casting est également très solide. Que ce soit le sheriff, le grand frère de Will, la famille de Mike ou encore la mère de Will campée par une Winona Ryder en grande forme, tout ce petit monde s’incorpore admirablement bien dans le scénario et l’histoire s’en trouve enrichie notamment via l’aspect plus sérieux/dramatique que certains personnages arrivent à dégager.

"You look like a movie, you sound like a sound. My god, this reminds me of when we were young" (Adele, morceau « When whe were young »).

Stranger Things fait ressortir beaucoup de nostalgie via son histoire, via ses références mais également via ce qu’elle dégage pour quelqu’un qui a baigné et grandit dans la culture pop des années 80. Partir en vadrouille avec des potes à vélo, avec sacs à dos et goûter, et s’imaginer vivre de folles aventures. Les courses pour savoir qui va le plus vite, les nuits blanches quand on dormait chez un ami, les bêtises faites que l’on cachait aux parents en se serrant les coudes et en se protégeant les uns les autres, les premières parties de jeux de rôle, les discussions sur qui est le plus fort dans Star Wars… Si vous êtes trentenaire, Stranger Things risque de vous faire entrer dans un trip extrêmement nostalgique voir même mélancolique puisque la série vous rappellera incontestablement votre enfance. La période des copains, la période de l’insouciance, celle du premier amour, celle d’une époque tellement lointaine qu’on aurait parfois presque tendance à l’oublier… Rien que pour ça, les 8 épisodes valent la peine d’être vus.

Bien sur tout n’est pas parfait. Il y parfois une légère overdose de bons sentiments, quelques clichés ça et là qui font tache, 2 ou 3 personnages bien trop prévisibles, des réponses à certains mystères que nous n’aurons jamais (ou en tout cas pas dans cette saison 1) mais c’est dérisoire comparé à toutes les qualités que la série n’a de cesse de nous jeter au visage. En déroulant son ambiance année 80 jusque dans ses musiques dont son générique absolument fabuleux, Stranger Things nous promène à travers différents styles avec brio. La série passe de l’aventure pleine de poésie à la Spielberg aux frissons d’un Stephen King avec une aisance déconcertante et une maitrise totale de son sujet et de ses thèmes pour former un melting pot vraiment très équilibré et qui tient le coup sur la longueur. A mi-chemin entre l’hommage et la lettre d’amour à une époque grandiose, Stranger Things est indiscutablement une série à voir mais aussi à faire voir. Notamment à des ados histoire de leur montrer une époque qu’ils n’ont pas connu, pour leur faire découvrir quelque chose de qualité bourré de références culturelles de bon gout qui peuvent les pousser à s’intéresser à diverses œuvres passionnantes et aussi parce que Stranger Things est parfois un peu une leçon de vie. On y voit des gosses dans une école, on y voie du harcèlement, des protagonistes geek qui sont tout sauf des loosers, des embrouilles entre potes qui finissent toujours par s’arranger, on y parle de première fois et d’amour et surtout on y parle d’amitié, la vraie. Certains trouveront ça cliché ou gnangnan mais dans un monde comme le notre, rempli de cynisme et qui encourage continuellement à l’écrasement de l’autre et au culte du moi, ça fait sacrément du bien. C’est comme prendre une bouffé d’air pur au dessus des nuages après avoir couru trop longtemps sur le bitume d’une ville polluée.


"Let us die young or let us live forever" (Alphaville, morceau « Forever young »).
Formidable hommage à la pop culture des années 80, Stranger Things évite le piège du racolage nostalgique avec grâce et légèreté. Si elle a ses fondations solidement ancrées dans le passé, la série ne s’enferme pas dans un copiage sans saveur et arrive dégager une identité forte ainsi qu’un style qui lui est propre. Dotée d’une ambiance absolument géniale, proposant une histoire horrifique/fantastique captivante, portée par des acteurs vraiment excellents (surtout les enfants), la dernière création de Netflix est une franche réussite sur toute la ligne. Non contente de nous fournir une première saison d’une grande qualité, Stranger Things nous replonge avec brio dans une époque que l’on oublie trop facilement. Histoire d’amitié avant tout, la série nous accroche, nous prend par les sentiments et nous refait rêver d’une jeunesse perdue il y a longtemps… quitte à provoquer un blues de la rentrée digne d’un mois de Septembre.

Pourquoi Septembre ? Parce que Septembre … ça sent la fin de tout : l’été, les vacances, le beau temps. Ça fait déjà quelques jours que vous ne croisez plus les enfants devant chez la voisine, cette petite vieille chez qui chaque été leurs parents les déposent. Bon ça les débarrassent et puis comme ça mamie se sent moins seule. Vous regrettez vous aussi ce temps ou les jours d’écoles s’enchaînaient, pas de responsabilité, pas d’argent à gérer … juste les cours et les amis. A cette pensée, vous frissonnez et vous remontez la fermeture de votre veste. Oui il pleut aujourd’hui, le temps s’est rafraîchit. Ce soir quand vous serez dans votre lit vous cogiterez peut être … « dommage qu’on ne puisse pas revivre ça ». Finalement vous passerez une bonne nuit et vous reprendrez le rythme en vous disant « c’est repartit ! ». Les potes, le boulot … vous avez l’habitude. Et puis ces merveilleux souvenirs appartiennent au passé, vous êtes dans la cours des grands maintenant. Alors une fois ce blues de la rentrée passé, vous reprendrez le cours de votre vie comme si de rien n’était en rangeant vos souvenirs dans un petit coin de mémoire … jusqu'à la prochaine fois.

A tous les adultes qui se souviennent les yeux plein d’émotions qu’un jour, il y a longtemps maintenant, c’était eux qui couraient dans la rue avec leurs sacs à dos sur l’épaule en criant avec les autres enfants « vite, ça a sonné ! On va être en retard ». Aujourd’hui nous avons grandis … nous n’avons plus de sacs à dos mais quand la sonnerie retentit, on se dirige avec les collègues vers nos postes de travail … certaines choses changent, on ne cri plus « vite on va être en retard », on dit juste « tiens je ne suis pas en avance ce matin »… ce à quoi l’un de vos amis répondra avec un léger sourire « dur le réveil ? ». Nous sommes juste de grands enfants après tout. Et au moment ou vous vous mettrez à travailler en repensant une ultime fois à l’une des rentrées de votre jeunesse, quelque part, un enfant dans une salle de classe débouchera son stylo et se mettra à rêver … à rêver du jour ou lui aussi il sera grand. Le blues de la rentrée … ce n’est pas si mal finalement.

Ces sentiments, ces retrouvailles avec le jeune moi… c’est finalement peut-être ça la plus grande force de Stranger Things. A la fois nostalgique et innovante, à la fois attendrissante et effrayante, à la fois drôle et dramatique, la série arrive à allier le meilleur de 2 mondes opposés. De quoi se réconcilier avec l’enfant toujours là quelque part au fond de nous.

 

 

Post publié par Damzé le 04/07/2017 12:09

Commentaires