The Wire [intégrale de la série]
Quelle est la meilleure série du monde ? LA série, celle qu'il faut avoir vue au moins une fois dans sa vie ? De nombreux articles et classements se sont risqués à donner une réponse à cette question épineuse. Et très souvent, un nom est revenu plus que les autres : The Wire. The Wire (aussi appelée Sur écoute) est une série HBO datant de 2005. Ce qui est étonnant, c'est qu'à sa sortie, la création de David Simon (journaliste et écrivain) et Ed Burns (ancien officier de la brigade criminelle de la police de Baltimore) n'a pas fait une audience incroyable, elle a même frôlé l'annulation à la fin de sa troisième saison. Bien qu'ayant récolté quelques beaux succès critiques, elle n'a cependant gagné aucune récompense lors des différentes cérémonies qui sacrent habituellement les meilleurs shows télévisés. The Wire a acquis sa réputation de meilleure série du monde auprès du public avec le temps, avec le fait que de plus en plus de gens en parlent et la découvrent sur le tard.
En ce qui me concerne, je ne sais pas si on peut déclarer qu'une seule série est la meilleure de toutes. Je ne pense pas. En tout cas ce qui est sûr, c'est que si quelqu'un me propose un classement des meilleures séries jamais créées et que The Wire ne figure pas en bonne place dans ce dernier, je ne le prendrai pas au sérieux. Mais pourquoi les 5 saisons du show de Simon et Burns sont-elles si encensées ? De quoi ça parle ? Je vais essayer de vous l'expliquer et de vous dire pourquoi, pour moi, The Wire est un must see absolu.
Jungle de béton
Beaucoup vous diront que The Wire est une série policière. Ce n'est pas faux... mais ce n'est pas totalement vrai non plus tant la série va bien plus loin que ça. S’il fallait trouver une catégorie dans laquelle la ranger, je préférerais utiliser le terme de drame social. "Oui mais ça raconte quoi ?" Eh bien tout dépend de quelle saison vous parlez. Si on prend la première par exemple, nous sommes alors bien dans une série purement policière. On y suit les enquêtes d'un groupe de flics qui essaient de coincer les plus gros dealers de drogue de la pire cité de Baltimore en mettant en place un système d’écoutes. Le tout est filmé dans un style réaliste, pas d'effet de manche, pas de spectaculaire, pas de fusillade nerveuse. L'ambiance est prenante, viscérale. A l'écran défile un paysage, les cités de Baltimore. Des ghettos rongés par la drogue et les meurtres. On y croise de tout, du petit dealer de coin de rue au gros caïd en voiture de luxe, du crackhead zombie en manque à l'habitant paumé et pauvre qui subit tout ça, des gosses qui déconnent dans les rues aux flics qui patrouillent ou qui planquent. Et on s'y croirait. L'ambiance de The Wire est incomparable, parfait mélange entre une fiction impeccablement bien écrite et l’impact visuel d'un documentaire.
Car oui, en termes d'écriture, la série est un véritable bijou. Les protagonistes sont extrêmement nombreux. Tous sont bien développés, charismatiques. Les personnages cultes se comptent à la pelle. Pour en citer quelques-uns, on pourrait parler de McNulty, un flic avec un flair imparable mais en proie à ses démons qui finissent toujours par le pousser à l'excès. Ou encore de Stringer Bell, caïd d'une intelligence rare voulant conquérir la ville tout en s'élevant au-dessus du simple rang de dealer pour devenir une sorte d'entrepreneur, pur produit du rêve américain moderne. Ou pourquoi pas de Tommy Carcetti, un jeune loup de la politique qui rêve de tout changer, vraiment, et qui va se retrouver face à toutes les limites du système, qui va faire face à la compromission tout en se transformant en ce qu'il pensait combattre. Ou enfin, de Dukie, jeune gosse de cité totalement délaissé par des parents drogués. Bon en classe, arrivera-t-il à se sortir de la rue tout seul avant que cette dernière ne l'avale comme tous les autres ? Autant de protagonistes qui hanteront les différentes saisons et l'esprit du spectateur pendant de longs moments.
Chaque saison de The Wire aborde un sujet différent et/ou ajoute une couche de matière à la précédente. La saison 1 se concentre sur la dualité police/dealers dans les cités de Baltimore. La saison 2 ajoute le port de la ville au tableau avec ses syndicats de dockers et ses travailleurs pauvres tout en dévoilant de nouveaux maillons des différents trafics qui rongent la ville. La saison 3 revient dans les rues et ajoute à l'aspect policier celui de la politique. On y voit le fonctionnement de la hiérarchie policière, on y voit les magouilles politiques, les trahisons, les pots de vin, bref toute la tambouille interne. Le tout sous fond d'expérience menée dans un quartier qui finira par mal tourner mais qui donnera à la série l'une de ses scènes les plus fortes et exceptionnelles. La traversée d'Amsterdam, zone de vente de drogue où se retrouve tous les camés et les dealers bien à l'écart des beaux quartiers s'apparente tout simplement à une traversée de l'enfer. Seringues vides au sol, saletés, drogués errant tels des damnés sans âme, sexe en échange de crack, maladie, misère. Viscéral et inoubliable.
La quatrième saison s'attaque au système scolaire. L'école, ses méthodes qui ne fonctionnent pas ou plus, son manque cruel de moyens. On y suit notamment une bande de gosses pris au piège entre l'éducation et la rue. Entre essayer de s'en sortir ou jouer les durs. Mais est-il vraiment possible de s'en sortir quand on vient des cités de Baltimore ? Avec d'un côté un système scolaire totalement en ruine et de l'autre l'argent mais aussi le danger généré par le trafic de drogue, les enfants se retrouvent pris entre le marteau et l'enclume. Et enfin la cinquième saison ajoute à tout ça le journalisme et les médias. Crise des journaux papiers, coupures de budget et d'effectif, recherche du sensationnalisme au détriment du réel. Le tout en ramenant une nouvelle fois la politique au premier plan ainsi que les problèmes au sein de la police, nous montrant une ultime fois la faillite totale d'un système.
La société au rayon X
C'est ça la grande force de The Wire, mettre en parallèle puis assembler toutes les différentes couches de la société pour en faire un tout, un cliché instantané qui nous renvoie une image peu flatteuse mais ultra réaliste de nos villes modernes via cette véritable radio de celle de Baltimore. Filmée avec une efficacité redoutable, la série absorbe littéralement le spectateur tout comme la ville et le système absorbe les protagonistes. Les sujets abordés sont extrêmement vastes. Le tout est décrit avec une précision et un réalisme imparables. Chaque saison propose différents arcs narratifs tous impeccablement bien construits avec en fond toujours une enquête policière au long cours. Tout est parfaitement bien ficelé et chaque nouvelle saison s'ajoute à la précédente comme la pièce manquante d'un puzzle qui termine de dévoiler son ampleur à la toute fin.
De son tout début à sa dernière seconde, The Wire est un diamant taillé à la perfection. C'est à la fois l'une des meilleures séries policières jamais créées mais également l'une des meilleures analyses d'une société et de son (dys)fonctionnement. C'est d'ailleurs pour ça que je trouve que le fait de la réduire à une "simple" série policière est bien trop réducteur tant elle va plus loin, tant elle raconte beaucoup plus que ça. Bien plus que des enquêtes, The Wire raconte des histoires, des morceaux de vies et elle le fait d'une manière ultra prenante, le tout à travers une description sans concession de ce que tout un pan d'une société laissé à l'abandon peut produire de pire.
Autre gros point fort de The Wire ? De son réalisme découle une totale absence de manichéisme. Dans cette histoire ou plutôt ces histoires, il n'y a pas de bons et de mauvais, de gentils et de méchants. Bien sûr, certains personnages peuvent représenter ces archétypes mais la série étale la majorité de ses protagonistes sur une vertigineuse échelle de gris. Il y a des salauds et des gens bons chez tout le monde, flics, voyous, politiciens, journalistes, profs, etc. La plupart du temps, il s'agit simplement de gens qui essaient de traverser la vie et ses épreuves du mieux qu'ils peuvent, sans trop s'abîmer davantage.
Dernière raison qui fait de The Wire une série à part, son casting. La série a mis en avant énormément d'acteurs afro-américains, ce qui à l'époque était peu courant. On retrouve d'ailleurs certaines stars d'aujourd'hui alors totalement inconnues au moment de la diffusion comme Idris Elba ou un Michael B Jordan à peine adolescent. La série ose également proposer des personnages ouvertement gays. Le meilleur exemple reste sans doute Omar, un caïd aussi charismatique que malin qui n'hésite pas à appuyer sur la gâchette. Il vole la vedette à n'importe qui dès qu'il est présent dans une scène. En faire un homosexuel était risqué niveau image et écriture… Au final, c'est exécuté avec une telle justesse que ça passe comme une lettre à la poste. Un modèle du genre.
Comme des junkies d'une cité de Baltimore, nous nous sommes envoyés les 5 saisons à grosse dose, le moindre trou dans nos emplois du temps se transformant en rendez-vous sur le canapé pour mater au moins un ou deux épisodes. Une fois les dernières secondes de l'ultime épisode visionnées, mon ami s'est retourné vers moi et m'a dit "wow... c'était fort". Oui, ça l'est et ça le restera. Et c'est ce qui m'a donné envie d'écrire cette critique pour vous inciter à regarder The Wire car, non, la série n'a clairement pas usurpé sa réputation. Elle est exigeante, elle demande de l'attention, elle est complexe, elle fourmille de détails, de vie, d'histoires mais surtout elle est prenante, obsédante même tant elle décrit avec une manière crue et fascinante l'échec d'un système, d'un modèle de société, le nôtre, et l'impossible tâche que semble être son redressement ou son amélioration. A voir au moins une fois dans sa vie !
Post publié par Damzé le 01/09/2022 09:22
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